Fella Hadj Kaddour (FHK): Bonjour à toutes et à tous, et bienvenue dans le podcast « En fleurs, plus en feu ». Je suis Fella Hadj Kaddour et je serai votre hôte pour l’épisode d’aujourd’hui. « En fleurs, plus en feu », est un podcast qui a pour objectif de mettre en visibilité le travail du projet de Promotion des Actrices Racisées en recherche partenariale au Québec, le projet PARR. Et maintenant, l’épisode d’aujourd’hui.
*musique*
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FHK: Avant de commencer le podcast, j’aimerais d’abord qu’on reconnaisse qu’on se réunit aujourd’hui sur le territoire de la nation Kanien:keha'ka,territoire non-cédé de Tiohtià:ke, ici sur l’île de la tortue. Nous aimerons, nous aimerions, pardon, exprimer toute notre solidarité avec les communautés autochtones qui luttent pour l’auto-détermination, nous honorons bien sûr les gardiens et les gardiennes traditionel·le·s de ce territoire.
Et donc aujourd’hui, on se retrouve pour notre troisième épisode, où on va aborder la question des solidarités entre les communautés noires et racisées et les stratégies de résistance communes face aux injustices subies dans le domaine de la recherche partenariale au Québec. Pour cela, on va accueillir avec nous des personnes qui ont participé aux journées cohortes du projet PARR durant le mois de septembre 2023 et qui ont gentiment accepté notre invitation. Donc d’abord avec nous Samia Dumais. Donc Samia tu es étudiante au doctorat en histoire à l’Université de Concordia. Samia tu travailles sur l’histoire afro-canadienne dans la seconde moitié du vingtième siècle, et tu te penches sur les expériences contemporaines des communautés afrodescendantes et immigrantes au sein des structures scolaires québécoises et canadiennes. Samia est aussi membre du comité éditorial de la revue HistoireEngagée.ca, elle a également travaillé pour une variété de recherche en Ontario et au Québec. Samia coordonne présentement le projet « Santé gynécologique et obstétrique des femmes noires : leurs expériences dans le système de santé québécois », Samia est également archiviste pour le collectif féministe noir Harambec. Merci Samia d’être avec nous.
Nous accueillons également avec nous Aurélie Milord. Donc Aurélie, étudiante au doctorat en sexologie à l’Université du Québec à Montréal. Ton projet doctoral porte sur les expériences obstétricales et gynécologiques des personnes issues de la communauté haïtienne dans les soins de santé à Montréal. Aurélie, née de parents haïtiens à Montréal, tu te considères comme une afro-canadienne et une militante pour la justice reproductive des personnes issues de la communauté noire au Québec. Bonjour Aurélie, merci d’avoir accepté l’invitation.
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Aurélie Milord (AM): Ça fait plaisir.
FHK: Aussi avec nous pour finir, Samantha Lopez Uri. Elle est consultante anti-raciste et a eu l’occasion d’animer et former des intervenantes jeunesse et sociaux dans différents milieux depuis quelques années. Samantha mène actuellement, dans le cadre de sa maîtrise en Innovation Sociale à l’Université St-Paul, une recherche sur les perspectives des personnes racisées, quant aux enjeux de racisme et de discrimination systémique dans le milieu communautaire québécois. Tes engagements t’ont aussi mené à agir à titre d’animatrice, coordinatrice, assistante de recherche et conseillère pour différents enjeux liés à la jeunesse, à la diversité et l’inclusion. Tu es née à Tiohtià:ke, Montréal d’origine bolivienne Quechua, tu crois fermement que la guérison collective est la clé pour se réapproprier nos espaces et nos histoires, merci Samantha, merci beaucoup d’être là.
Samantha Lopez Uri (SLU): Merci à toi.
FHK: Donc je vais revenir sur, plutôt l’activité cohorte, pour un peu, un petit rappel pour nos auditeurs auditrices, lors du premier épisode on a évoqué les activités communautaires du projet PARR, notamment celles du forum, où a pris place une conférence animée par Marie Da Sylva, ainsi qu’une série d’ateliers qui ont concerné les enjeux d’invisibilisation et de discrimination vécue par les femmes et personnes non-binaires noires et racisées dans le milieu de la recherche partenariale. Donc l’équipe PARR a voulu créer une cohorte dans le but de creuser davantage certains des axes qui ont été évoqués pendant le forum, et dans, aussi creuser ces axes-là qui ont été abordés dans la recherche menée par Félicia Ça et Saaz Taher. Il s’agissait d’adresser les enjeux de tokénisation, de protection des réseaux, travail et des savoirs, et de pérennisation financière des projets de recherche par pour avec, dans une logique de cocréation de stratégies, de solidarités et de résistance. Donc ma première question ce serait vraiment de vous demander qu’est-ce qui vous a finalement motivé à faire partie de ces journées cohortes.
AM: Si je peux commencer, moi ce qui m’a motivé personnellement à participer à ce genre d’activité, c’est vraiment mon besoin de communauté, de collectivité...Je suis une des seules personnes noires, à ma connaissance, dans mon doctorat, donc je trouve ça un peu isolant, et quand j’ai vu les activités organisées par le projet PARR, j’étais comme « Oui! Enfin! », donc voilà, c’est pour ça que j’ai décidé de participer.
Samia Dumais (SD): Euh...Oui de mon côté un peu comme Aurélie aussi le besoin de communauté et de collectivité, mais aussi le besoin de se retrouver au sein d’espaces où on peut être vulnérable en fait, les uns et les unes avec les autres. Je trouve qu’en fait, surtout dans le milieu académique, dans lequel j’ai surtout évolué, la vulnérabilité, les émotions, le partage d’expériences, c’est rarement quelque chose qui est mis de l’avant. Donc de pouvoir se rassembler, discuter avec des personnes qui ont des expériences soit similaires, soit différentes, mais ultimement...ouais, quand même collectives, ça faisait vraiment... ça vraiment fait du bien.
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SLU: Un peu comme vous deux, vous l’avez mentionné, je pense que c’est vraiment le besoin de...Enfin d’être dans un espace dans lequel tsé on peut... être un peu soi-même. Je veux dire dans le milieu communautaire, dans le milieu de la recherche, tsé il faut toujours...Je suis une des seules personnes racisées quand je suis dans ces milieux-là, donc tsé toujours une lourdeur de comme, naviguer là-dedans...Fait que , enfin, de pouvoir enfin trouver des personnes qui me ressemblent, des personnes avec qui je peux partager mes expériences, pour moi c’est la clé, et je pense que...Ouais, je pense que ça va être ça.
FHK: Et pendant...Pendant les journées cohortes, est-ce que vous pouvez revenir sur la manière dont vous avez vécu les ateliers, et c’était quoi les moments forts pour vous.
SD: Euh ben je peux commencer, en fait moi j’ai été présente à l’activité sur...La journée sur la propriété intellectuelle, où en fait, en plus d’avoir échangé entre-nous, on a fait des ateliers pour comme imaginer notre entente de propriété intellectuelle de rêve un peu, ou comment on va...On était en mesure de se rassembler, de naviguer, par exemple certaines barrières qu’on rencontre dans le milieu académique lorsqu’il est question de protéger notre propriété intellectuelle. Autant que ça été confrontant, parce que c’est jamais évident tsé, de discuter d’enjeux auxquels on est...auxquels on est confrontés dans notre parcours, autant ça été vraiment rafraichissant de les aborder un peu sans tabou, et de pouvoir justement matérialiser un peu c’est quoi le respect, on va dire, de notre propriété intellectuelle, quand c’est pas quelque chose qui est nécessairement fait dans le milieu académique, donc moi personnellement j’ai trouvé ça super super stimulant, puis très très bienveillant aussi quand même, l’animation était vraiment géniale. Donc, ouais c’était bien.
AM: Ouais l’animation c’était vraiment tops. On en parlait un peu tantôt, mais l’animation je pense pour les trois, c’était un des moments forts en fait de cette journée. Moi, comment j’ai vécu les ateliers, je trouvais que...J’étais tellement contente d’avoir un espace de partage, où on apprenait vraiment, comme Samia l’a nommé. Moi aussi j’ai uniquement participé à la journée sur la tokénisation, sur la propriété intellectuelle, puis j’ai l’impression que j’en suis ressortie avec pleine d’idées et de stratégies, donc ouais, j’ai vraiment apprécié aussi.
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SLU: Pour ma part, euh...C’est sûr qu’avoir une animatrice comme on a eu, de vraiment nous sentir à l’aise, tsé c’est une personne qui était vraiment à l’écoute, bienveillante, et qui était capable de comprendre nos limites. Puis je pense que des fois, on oublie ces limites-là, de se les mettre, puis je trouve qu’on était vraiment dans un esprit où on apprenait à connaître c’était quoi exactement la propriété intellectuelle. Tsé dans mon cas, dans le milieu communautaire, il n’y en a pas vraiment. Tsé tu travailles pour une organisation, donc moi j’ai compris que tout ce que je devais dire, ce que je donnais comme information, ce que je partageais, était dans, au nom de l’organisation, et pour moi ça a fait un gros déclic de me dire « wow, ok ». Le milieu de la recherche, j’ai la chance, le privilège, d’avoir une directrice qui est capable de comprendre cet aspect-là, qui est capable de dire que : «ça c’est à toi, donc on va s’assurer de, que c’est à ton nom », mais le milieu communautaire malheureusement c’est pas le cas. Donc j’ai énormément appris, je pense que c’est un exercice pratique qui a permis de comprendre comment chacune d’entre nous navigue à travers justement cet enjeu-là, qui est hyper important parce que on est tellement riche, puis tsé vous êtes toutes des femmes super inspirantes avec un gros bagage, des expériences super riches, fait que, tsé je pense que c’est important de comprendre c’est quoi ces tactiques , ces stratégies qu’on peut mettre en place, puis tsé j’apprends, j’apprends de chacune d’entre elles et chacune d’entre vous, sur des stratégies auxquelles j’avais pas pensé. Tsé je pense que des fois on a des stratégies et on s’en rend même pas compte, je pense que ça l’aide à les nommer, à les exprimer, à les partager et à voir comment on peut s’entraider à travers ces stratégies de...sur la propriété intellectuelle.
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AM: Je suis vraiment d’accord avec qu’est-ce que tu disais, surtout sur le concept d’entraide, j’ai l’impression qu’au fil de la journée on créait vraiment une collectivité, pis comme, il y avait un sentiment de care, on prenait soin les unes des autres en échangeant, en partageant des stratégies et en faisant confiance que on avait cet espace pour pouvoir le faire, donc ça aussi je nomme, c’était un des moments forts, l’activité de co-construction, vraiment.
FHK: Est-ce que vous pouvez juste revenir sur la question de la propriété intellectuelle. Qu’est-ce que ça veut dire finalement, juste pour expliquer pour les auditeurs et auditrices, c’est quoi comme enjeu, pourquoi c’est important comme enjeu en tant que chercheur, dans le milieu académique ou le milieu communautaire.
SD: Moi je peux parler de mon expérience, encore une fois, qui est surtout dans le milieu académique. La propriété intellectuelle, c’est le fruit de mon travail qui m’appartient, mon nom qui est sur le travail, mais aussi de reconnaître en fait, pas nécessairement le produit final, mais toutes les étapes aussi qui ont mené à mon nom sur ce travail. Donc comme, pour mon mémoire par exemple, il y a moins d’enjeu, à mon avis, tout simplement parce que j’ai les traces de mon travail, c’est dans mon ordinateur, c’est sur mon Google Drive, mon nom est là la fin. Mais peut-être pour des projets de recherche qui ont été réalisés auprès d’enseignants d’enseignantes, même pour des projets en recherche partenariale, um...C’est très délicat parce que en tant qu’étudiantes on se ramasse dans des dynamiques avec des enseignants et des enseignantes qui ont vraiment en fait, une réputation, qui ont aussi l’institution derrière eux derrière elles, qui valide en fait leur travail, qui protège le travail, qui finance le travail. Puis la question aussi des délivrables, je pense aussi, dans la propriété intellectuelle est vraiment importante, parce que une fois que le projet est fait, n’importe qui qui a accès à ça peut mettre son nom dessus et dire c’est mon travail, puis, puisque après ça, le projet, ou le livrable, appartient à toute l’équipe de recherche, c’est un petit peu plus dur d’identifier le rôle qui a été joué par les diverses parties, et ultimement, ce qui va arriver, c’est que...Moi j’ai été chanceuse, dans plusieurs de mes expériences les professeurs ont toujours reconnu le travail que j’avais réalisé en tant qu’étudiante, mais je sais que ce n’est pas une réalité qui est malheureusement universelle, et ça peut arriver par exemple qu’un enseignant enseignante, bien, tout bonnement, s’approprie le travail d’un étudiant, même si ultimement l’étudiant va avoir rédigé au complet le travail, l’enseignant va juste...bah le dire dans une conférence et dire que ça lui appartient. Puis c’est quand même quelque chose qui est grave parce que dans le milieu académique en fait on est reconnus dépendamment en fait de notre capacité à produire, puis notre capacité à produire du savoir qui nous appartient, donc après ça il y a ces angles-morts comme ça, ça pose des risques assez grands pour nos possibilités en fait de trouver un travail, ou juste notre possibilité en fait d’être reconnu dans notre domaine...Donc il y a aussi des enjeux au niveau de la recherche communautaire partenariale, mais je laisserais peut-être plus mes collègues parler sur ce sujet. *rires*
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AM: Je trouve aussi dans le milieu académique, en fait, c’est que les frontières sont tellement floues, par rapport à la propriété intellectuelle, ça fait en sorte que tu travailles pour, par exemple, un ou une professeur, ou une chaire de recherche ou un collectif, mais ton travail va s’invisibiliser pour le groupe, donc pour les échanges, puis que ça soit en tant que personne académicienne, ou les personnes partenaires qui participent aussi aux échanges et qui enrichissent énormément le travail de recherche qui va être produit, la délimitation...Il y a comme, on dirait, un contrat non-dit ou invisible que tu prends pour acquis que le savoir, ou ce que tu produis, que tu partages et que tu crées, va être mis dans un contexte de groupe, donc invisibilisé au final. On perd un peu l’individualité, donc comme Samia dis, l’effet de produire pour et par toi-même du savoir et des connaissances.
SLU: Ouais. Plus dans le milieu communautaire, tsé pour rebondir à ce que tu viens de nommer, je trouve pas qu’il y a cet aspect-là, justement, reconnaissance individuelle de la personne. C’est vraiment, ça retombe à l’organisation. Ça je l’ai constaté vraiment plus tard, après avoir effectué plusieurs recherches, que ce soit dans le milieu de la jeunesse, dans l’immigration...c’est ce que je contribue au final, n’est jamais à mon nom. Comme je sais qu’en ce moment, j’ai plusieurs projets de recherche sur lesquels j’ai contribué, il y en a peut-être un, sur peut-être cinq, où il y a mon nom, mais c’est parce que c’est ma collègue qui l’a poussé. Puis moi je réalisais pas à quel point c’était important, pis elle est comme : non non, c’est important, c’est toi qui l’a fait, on l’a fait ensemble, il va y avoir ton nom. Puis ça, je trouve que c’est grave, parce qu’il n’y a pas de clause en ce moment qui permet pour les organisations communautaires, du moins les personnes qui travaillent là-dedans, de se protéger. Je veux dire, après, moi est-ce que je peux me permettre d’utiliser ce projet de recherche puis dire que c’est moi, même s’il n’y a pas mon nom ? Comme...C’est comme un non-dit dans le milieu communautaire, puis là en ce moment j’essaie de mettre des choses en place pour m’assurer que c’est Samantha Lopez Uri qui a contribué au document. Tsé dans ma pratique de travailleuse autonome, je le fais maintenant, mais avant je ne le réalisais pas autant que c’était important, et que les gens, surtout quand on parle d’antiracisme, de décolonisation, il y a beaucoup de personnes qui vont se l’approprier facilement parce que c’est... Les personnes les plus légitimes, c’est ça, c’est les premières personnes qui se font censurer, donc je pense qu’en ce moment c’est vraiment important de le faire, puis dans le milieu académique, comme je l’ai mentionné, je suis hyper privilégiée d’avoir une directrice de recherche qui comprend que ce travail-là est fait par moi et par elle, donc il y a une valorisation de ça, mais est-ce que c’est l’ensemble du corps professoral, est-ce que c’est l’université en soi ? Je ne pense pas. Je veux dire, j’entends des histoires de gens qui se font voler juste leurs idées, parce que c’est par pas écrit, elle le nomme par oral, et le prof décide de le prendre parce que ça lui convient. Ou même des profs, je ne sais pas si ça vous ait déjà arrivé, mais il y a des profs qui vont faire des séances, des cours, dans lesquels ils vont s’enrichir des discussions et des travaux pour bonifier leurs travaux à eux, puis moi je suis comme, non. Met mon nom à côté de ton travail au pire, mais...Il y a toute ça que je trouve que dans le milieu académique, ça reste une structure coloniale évidemment, mais c’est...Il y a encore des choses qui sont tellement ancrées, qu’il faut encore se battre pour notre légitimité, pour notre voix, pour les voix des personnes qu’on...Dans mon cas, c’est des recherches partenariales qui impliquent des jeunes ou des personnes racisées immigrantes, donc il faut que je me battes non seulement pour moi mais pour ces personnes aussi. Parce qu’on les instrumentalise aussi. Donc il y a tout ça qui doit être pris en considération, puis que je trouve que c’est encore plus complexe de voir comment on peut se protéger. Puis je pense que les discussions qu’on a, mais aussi l’espace qu’on a eu, ça a permis de dire, ok on est pas tout seuls, ok va falloir comme se trouver des personnes, de bien s’entourer au final.
17:33
FHK: Bien justement, vous parliez de la question de la propriété intellectuelle, mais est-ce que vous êtes ressortis, de ces ateliers-là/cohortes avec des stratégies ou autre chose, justement, que vous avez abordé pendant les ateliers, auquel vous y avez pas pensé avant d’accéder à ces ateliers-là spécifiquement.
AM: Moi c’est con à dire, mais je pense que j’avais jamais pensé à la base. Donc je n’avais jamais pensé aux premières balises qu’il faut mettre en place, avant même de commencer, de conceptualiser un projet, je n’avais pas pensé à mettre des limites claires. Donc que ce soit créer un contrat, ou une entente écrite, que ce soit écrit justement, donc...J’ai l’impression que par ma participation aux activités de la cohorte, j’ai compris les trucs les plus simples que je pourrais mettre en place, mais que je ne pensais pas que nécessairement en tant qu’étudiante ou en tant qu’auxiliaire de recherche, j’avais nécessairement le droit de mettre en place ? Je suis vraiment sortie avec toutes les connaissances de base pour pouvoir m’assurer que dans le futur, et même à partir de maintenant, tous les éléments qui sont propres à ma propriété intellectuelle m’appartiennent.
SD: Moi de mon côté, je dirais que...L’un des plus grands apprentissages que j’ai fait à travers ma participation aux activités du projet PARR c’est que mon savoir est valide. Puis mon savoir est valide, mon savoir a été valide au moment où j’ai été étudiante au BAC, au moment où j’ai été à la maîtrise, puis au moment, et encore aujourd’hui lorsque je débute mon doctorat. Puis je crois que c’est très facile lorsqu’on est dans des positions, ouais, quand on travaille dans des projets de recherche où il y a une forme de hiérarchisation ou on se fait souvent rappeler que nous ne sommes qu’étudiants étudiantes. Ce qu’on a à mettre sur la table est pas nécessairement...Genre c’est pas, c’est pas...It’s not like a breakthrough, you know. Ça reste très très très en surface, puis c’est justement, je crois aussi cette forme de dévalorisation des savoirs qui arrive dans ces espaces-là, qui fait en sorte que on est pas portés après ça à se battre pour se protéger parce qu’on se fait comme constamment dire qu’on est juste des étudiants et des étudiantes, qu’on est au début de notre parcours, que c’est pas si important que ça ce qu’on fait...Puis, moi de mon côté, tsé surtout en histoire ça été très difficile parce que c’est une discipline très coloniale, les savoirs sont très coloniaux, puis pour avoir fait tout mon parcours au Québec il n’y avait pas beaucoup de personnes noires ou de personnes racisées en histoire, puis de pouvoir échanger avec les participantes du projet PARR puis de réaliser en fait que mes intérêts en histoire étaient valides, et que c’est pas par… et que justement l’absence de mes intérêts dans les récits dominants est un produit direct du colonialisme et de la suprématie blanche qui est encore dans les institutions académiques, ben ça m’a vraiment donné un peu le vent dans les voiles pour me dire, ok tsé, ce que je fais est important, c’est important pour une panoplie de raisons, mais surtout c’est aussi important pour les toutes les personnes après ça qui vont passer derrière moi dans le système. C’est sûr que c’est comme vraiment un gros poids à se mettre sur les épaules, mais on casse un petit peu toutes le plafond de verre à notre façon je crois...Ouais tsé, quand je parlais un peu plus tôt de la vulnérabilité justement dans ces espaces-là, je crois pas que...J’aurais eu ces réflexions-là par exemple si j’avais été entourée uniquement de personnes blanches, qui comprennent pas nécessairement à quel point ça peut être un processus qui est violent de constamment se faire dénier le savoir en fait que je porte et qui est différent un peu du savoir de mes autres collègues. Donc vraiment, projet PARR, je crois que c’est ça que ça m’a le plus...ouais.
SLU: Je pense que c’est un peu la même chose pour moi. Tsé moi dans mon cas, dans le milieu communautaire, tsé, des fois, faut toujours que je me batte. Pas des fois, tout le temps, faut que je me batte pour valoriser le, les différentes formes de savoir, surtout quand on travaille avec des personnes, des personnes concernées, donc des jeunes, des personnes racisées immigrantes, c’est de démontrer que oui on veut faire un projet de recherche pour mettre de l’avant ces voix-là, mais souvent c’est instrumentalisé. Puis je suis toujours au front de me dire, de dire aux autres, faut faire attention à comment on fait notre projet, notre méthodologie, les entretiens, fait qu’il y a toutes ces réflexions-là, qui des fois, c’est épuisant, puis d’avoir l’espace come projet PARR, ça m’a permis de comprendre que je suis pas toute seule à comme essayer de déstabiliser le statu quo, de défaire ce grand mur, qui est toujours là devant nous à cause des systèmes qui sont très oppressants, donc...Je pense que de sortir un peu de cette bulle-là, et de retrouver des personnes qui tsé, qui ont pas nécessairement les mêmes expériences mais qui vivent quand même des oppressions liées justement aux barrières systémiques, donc il y a ça. Et le fait aussi, vous l’avez nommé, de se sentir validé, des fois on tourne dans notre tête et on pense qu’on n’est pas...qu’on fait pas les bonnes choses, peut-être qu’on a pas assez d’expérience où je sais pas trop, mais je pense que ça aide de se rappeler ok, ce que je fais c’est valide, puis tsé je pense que...Des fois, il y avait des gens autour de la table, je me dis, comment cette personne-là peut douter d’elle, tsé j’entends parler et je suis comme, mais non! Donc je pense qu’on est tous dans ce cycle-là où on se remet souvent en question, et tsé de se rappeler qu’on est puissantes, qu’on est intelligentes et qu’on est là pour rester, puis je pense que c’est ce qui fait peur aux institutions. Puis Marie Da Sylva l’a nommé, on fait tellement peur à ces institutions-là qui mettent toujours des freins. Donc je pense qu’il faut continuer ce travail-là pour continuer à déstabiliser, puis de, d’avoir ces espaces-là pour juste comme...baisser nos gardes. Tsé, on est toujours en mode protection, et je pense que c’est durant des moments comme ceux-là qu’on peut respirer et rester nous-mêmes.
23:25
AM: Je suis vraiment d’accord avec qu’est-ce que tu viens de dire Samantha. Surtout au niveau de regarder les gens autour de la table et se demander comment en fait cette personne peut douter de la validité des propos qu’elle amène, de son savoir, de ce qu’elle produit. Puis ensuite, moi quand j’ai quitté la journée de la cohorte, je me suis dit, « mais mon dieu je suis tellement en colère en fait que, toutes autour de la table on a vécu tellement d’oppressions, tellement d’expériences différentes, mais qui sont similaires aussi », dans le contexte où est-ce que, on a senti des freins peut-être, ou des barrières. Puis, parallèlement, il y a aussi tout le côté enrichissant de participer à ces journées de...Être avec des pairs et de pouvoir échanger, d’apprendre, j’ai tellement appris. Je me souviens à la fin de la journée, je regardais autour de la table et j’étais comme, je peux plus penser en fait. Vous m’avez brûlé, j’ai donné tout ce que j’avais à donner de mon cerveau, mais j’en suis tellement reconnaissante. Et, ça continué à tourner pendant des semaines après, je dirais que...la semaine passée j’ai vu une publication sur Instagram et j’étais comme Ah! J’aurais pu utiliser ça à la journée, deux mois plus tôt, donc je trouvais ça vraiment vraiment enrichissant.
FHK: Merci, merci de partager ces expériences-là. Je voulais vous demander aussi, vous êtes ressorties avec toutes ces stratégies, ces idées-là, est-ce que, entre-temps, depuis que vous avez participé aux journées cohortes, vous avez pu mettre en place et en pratique ces stratégies-là, si vous êtes à l’aise de partager certaines choses. Est-ce que vous avez eu justement, ouais, le temps de mettre tout ça en pratique.
SD: Mettre en pratique, pas nécessairement concrètement, mais c’est clair que ma réflexion est beaucoup plus...Je suis beaucoup plus on va dire sur mes gardes et beaucoup plus vigilante, parce que, en fait ça me fait réaliser que dans le passé, il y a eu des moments où mon savoir a été instrumentalisé. J’ai comme ressenti que ça l’aurait pu arriver dans les mois qui ont suivi en fait, le projet, à deux reprises différentes, mais c’était comme, en fait pour moi naturel de plus rapidement mettre mes limites et de dire, ok non, si on veut faire tel truc comme ça, je veux m’assurer que tel, tel, tel truc. Puis ça l’a quand même été bien reçu en fait. Donc je pense que...Il y a comme ce côté de self-preservation, qui a vraiment pris le dessus, qui était peut-être un peu là avant mais plus timidement, mais après avoir entendu en fait tout le monde, puis après avoir entendu à quel point c’est important de protéger mon travail, maintenant ça vient plus naturellement, définitivement.
SLU: Je pense qu’il y avait une des stratégies qu’on avait...Ben tsé le fait de réfléchir à une entente ou à un protocole pour la propriété intellectuelle, ben ça m’a permis de dire, oui, il faut que j’en fasse un. Tsé je veux dire, je suis travailleuse autonome à temps partiel, j’ai même pas cette clause-là dans mes ententes donc je pense qu’il y a ça aussi que... je pense qu’il va falloir que...Tsé je suis en train de réfléchir à comment et à.…au prochain contrat que je mets en place, de assurer d’avoir cette clause-là parce que c’est facile comme travailleuse autonome de se faire utiliser son savoir de n’importe quelle façon. Puis tsé je pense dans le milieu communautaire aussi, tsé j’avais déjà acquis certaines stratégies, il y a quelques années, de faire justement des contrats avant que...Tsé par exemple le milieu communautaire on se fait...On se fait contacter pour des projets de recherche, fait que tsé là moi je m’assure que à chaque fois qu’il y a un projet de recherche dans lequel je m’implique, je m’assure que les personnes, surtout les jeunes ou les personnes avec qui je travaille aient une clause pour eux, aient une entente signée dans lesquels moi je vais valider avec eux, parce que c’est souvent le chercheur qui va envoyer l’entente puis la personne elle comprend pas trop parce que c’est un contrat puis des fois c’est leur première fois qui voient un contrat. Donc m’assurer de m’asseoir avec eux puis de regarder ça avec eux, donc tsé j’applique certaines stratégies, mais tsé, je suis comme toi, genre moi aussi je regarde s’il y a des...Je suis hyper vigilante maintenant là, je fais vraiment attention quand quelqu’un me parle de : ah je veux que tu participes à un panel, je veux que tu participes à une formation, genre pourrais-tu nous aider. J’essaye vraiment d’aller étapes par étapes parce que c’est trop facile de dire oui, de s’embarquer rapidement, puis d’oublier que ton savoir est mis en jeu, donc pour moi ça c’était très très important là durant la journée de l’appliquer puis de le mettre en action dans mon travail.
AM: Moi non plus j’ai pas encore eu l’occasion de vraiment le mettre en pratique, mais j’ai énormément réfléchi à tous les aspects, toutes les stratégies auxquelles on a pensé en groupe, puis en fait, qu’est ce qui en est ressorti, et la principale stratégie que je pense que je vais mettre en place, c’est de me convaincre et d’y croire que j’ai le droit d’être protégée dans une entente universitaire partenariale de recherche. Donc j’ai le droit de mettre mon pied à terre, d’avoir des balises par rapport à ma propriété intellectuelle et de décider ce que j’accepte et ce que je n’accepte pas par rapport à la réutilisation ou la production de savoirs que j’amène à une équipe, donc c’est ça. Donc c’est vraiment plus au niveau réflectif pour ma part, mais j’ai l’impression que ça s’en va vers ça en fait. Vers vraiment des stratégies qui vont être mises en place donc comme tu dis, que ça soit un contrat ou quoi que ce soit d’autre qui pourrait être utile en fait.
29:04
FHK: Merci d’avoir partagé ces expériences-là. Aussi, on voulait vous demander, dans ce podcast, on parle de stratégies de solidarité, les pratiques de résistances. Quelles différences vous faites entre ces deux mots, donc pratiques de solidarité, pratiques de résistance, notamment dans un contexte de soutien entre les communautés racisées. Est-ce que vous privilégiez une expression plutôt que d’autre. Donc comment vous définissez chacune d’entre elles, et est-ce que vous utilisez plutôt une que l’autre, pardon.
AM: Je crois fermement en la solidarité. Je crois que c’est utile, que c’est pertinent pour les communautés, mais selon moi il y a vraiment un côté hyper positif à ce concept, à la solidarité, qui se veut bienveillant mais qui l’est jamais vraiment au complet, qui invisibilise, qui prend pas nécessairement en compte certains angles morts...Donc j’ai...Je sais que par convenance, pour bien paraître, pour mettre des gants blancs, j’ai souvent utilisé le concept de solidarité, et de plus en plus je tends à aller vers la résistance. Et en fait je crois que c’est important de reconnaître le concept de résistance, surtout en contexte où est-ce qu’on vit tellement d’oppressions dans d’autres sphères/milieux, puis je crois aussi que dans la résistance, il y a de la solidarité. Donc, je trouve que ça englobe en fait, mieux ce que ça pourrait représenter, et que ça représente mieux le fait qu’on résiste à quelque chose, à une force qui nous oppresse.
SD: Ouais pour rebondir, je suis totalement d’accord Aurélie avec ce que tu as dis. Puis je crois que les pratiques de résistances sont peut-être plus adéquates, dans la mesure ou quand on est ensemble, oui on se rassemble, on en discute, mais ultimement, on provient tous et toutes de milieux différents, on est pas nécessairement dans les mêmes écoles, dans les mêmes départements donc tsé moi de mon côté, quand après ça je retourne dans mon quotidien, ben c’est moi un peu contre le monde en entier dans un sens...Donc solidarité, quand on est peut-être un peu plus entre nous, mais définitivement c’est la résistance tout le temps et uniquement la résistance, ouais.
AM: C’est vraiment un bon point. Solidarité entre nous, mais à l’extérieur de ce qui nous unit, c’est de la résistance. Absolument.
SLU: Ouais ben c’est pareil pour moi. J’ai toujours dit des stratégies, des pratiques de résistance, surtout dans, quand on navigue, comme vous l’avez nommé, dans des milieux oppressants, la solidarité je trouve que c’est un terme que je vais davantage avoir lorsque je suis dans un espace de guérison. Parce que c’est là où on peut se relâcher, c’est là où on peut vraiment arrêter d’être toujours en résistance. Parce que la résistance ça devient intense, ça devient lourd, ça devient drainant, donc je pense que la solidarité je la vois plus dans, quand on est vraiment dans essayer de réfléchir au futur, un futur dans lequel, ça c’est un rêve là, de réfléchir à un futur où dans lequel il n’y a plus ces espaces oppressants. Puis je pense que c’est des choses qu’il faut aussi réfléchir. Parce que quand on est tout le temps dans la résistance, on vient hyper fatigué, puis genre je sais que à la fin de la journée de ce, de l’atelier, j’étais fatiguée, mais j’étais vraiment bien. Donc tsé oui, on présentait vraiment nos actions de résistance, mais la solidarité elle est venue quand tsé on voit que l’autre elle a besoin de discuter de quelque chose, elle a besoin de faire part de ces émotions, donc je pense qu’il y a un mélange de ces deux-là, mais au quotidien, comme tu l’as dit des fois, moi je suis aussi face, tsé moi versus le monde, donc...Qu’on veuille ou pas, même si on pense que nos milieux sont moins oppressants on est toujours en mode résistance, même en arrivant ici j’étais un peu en mode résistance de, est-ce qu’il va falloir que je fasse attention à ce que je dis, à comment je nommes les choses, comment je me protèges, donc qu’on le veuille ou pas, on est toujours dans ce mode-là, puis la solidarité elle vient lorsque on veut comme vraiment avancer puis guérir ensemble, donc...Je pense que ce serait, ouais, ce serait les deux, mais avec un regard davantage sur les stratégies de résistance.
33:27
FHK: On parlait des notions de solidarité et de résistance, je voulais savoir aussi, est-ce que pendant les ateliers cohortes, comment vous avez vécu le fait de coconstruire ensemble ces stratégies-là, et est-ce que vous avez été sensibilisées à des stratégies et des expériences que vous ne connaissiez pas auparavant, avant de participer aux ateliers cohortes.
SD: Ça été challengeant par moments je dirais, parce que même si on a des expériences communes, on vient tous et toutes avec nos bagages individuels. Donc, bien que par exemple, moi de mon côté, oui j’ai de l’expérience dans le milieu communautaire et en recherche partenariale, mon parcours est surtout académique. Puis même si je m’inscris, ou j’ai l’impression que je m’inscris dans des processus ou dans des études, ou même dans des perspectives qui vont un peu à contre-courant, ça change pas que je suis dans l’institution, je bénéficie de l’institution, j’en profite et je contribue à faire rouler cette machine. Puis eum le projet PARR et la cohorte ça aussi été un bon moment pour moi et pour nous d’avoir des reality check, face aussi aux positions de privilège dans lesquelles on est, juste parce qu’on est tsé des personnes au doctorat, on est à l’université, c’est pas tout le monde qui a accès à ces espaces-là et c’est pas tout le monde qui peut en bénéficier de la même manière que moi ou d’autres personnes autour de moi en bénéficient. Ça c’est sûr que c’est confrontant, mais en même temps c’est tellement aussi nécessaire dans nos espaces de co-construction qu’on se... qu’on se tienne responsable en fait des potentiels comportements qu’on peut reproduire parce qu’on est un peu pris dans cette machine-là. Donc c’est clair que, je pense que malgré nous, malgré moi, il y a peut-être eu certaines...j’ai peut-être perpétué on va dire certains...Ça serait quoi le bon mot, certains...ben je veux pas dire certains comportements, mais certaines pratiques. Certaines pratiques qui ne prennent pas nécessairement en considération la réalité de certaines personnes qui évoluent pas dans les mêmes milieux que moi. Mais je me souviens , tsé il y a eu certaines interventions qui ont été faites par certaines personnes qui ont été des reality check, mais tellement avec aussi comme, bienveillance en même temps tsé, de dire bon oui Samia je comprends ce que tu veux dire ici,ou je comprends l’idée que tu as, mais voici peut-être une perspective que tu n’avais pas vue, c’est vraiment rare en fait, d’avoir des personnes qui sont prêtes à te...Ouais, à un peu te remettre les pendules à l’heure mais avec autant de care, je pense que c’est aussi ça qui fait la beauté en fait de la cohorte, c’est qu’on aborde vraiment ces espaces-là avec du care, puis pas avec, je sais pas moi, un sentiment de compétition, ou tsé de...ouais. Ouais.
36:03
AM: Je suis tout à fait d’accord, surtout au niveau de, tu, on entend les expériences des autres, les autres personnes vont nous partager des choses que nous on n’a pas vécu parce qu’on a des expériences tout à fait différentes, puis ensuite de se dire, il y a tellement de bienveillance dans qu’est ce qui se passe en ce moment, que même si je me fais remettre à ma place, ou même si on met au défi les idées que je partage, je me sens pas oppressée. Ça se fait dans une façon de co-construction de savoirs, dans une perspective vraiment de on veut développer notre pensée critique, mais aussi s’améliorer dans ce qu’on veut devenir, dans qu’est-ce qu’on cherche à faire, dans qui on est dans ces espaces, et de aussi faire attention à l’autre dans ces espaces. Donc c’est vraiment toute cette question de care, mais de prendre soin et de...je peux donner d’autres synonymes de bienveillances *rires*, donc voilà, donc qui vraiment ont été, je trouve, extrêmement bénéfique, ouais.
SLU: C’est que ça permet aussi de...tsé comme, de remettre un peu en cause notre posture, tsé de se dire, tsé moi je sais que je suis arrivée là avec différents chapeaux, et que tout le monde arrive là avec des chapeaux différents, avec des backgrounds différents, des expériences différentes, donc pour moi ça toujours été important de prendre un pas de recul. De me dire que, tsé faut je fasses, déjà qu’il faut faire déjà attention à comment on s’exprime dans les institutions, mais là je trouve que c’est plus facile de faire attention, parce qu’on a créé ces environnements dans lesquels on peut se permettre de dire que, hey finalement Sam ce que t’as dis c’est pas correct ou peu importe, tsé, parce que justement on fait toujours attention à ce qu’on dit, à ce qu’on fait, à nos actions, que là je pense on s’est créé un environnement propice pour faire attention à nous. Puis je pense aussi que c’est toutes des expériences qui ont été nommées pour moi, qui...tsé le fait que ce soit un espace non-mixte permet aussi de comprendre certaines expériences puis des stratégies auxquelles jamais j’aurais pensé parce que du à mon identité, du a certaines choses, donc je pense que pour moi, c’est déjà un immense privilège que les gens aient partagé ces expériences-là, puis de me dire, woah okay, j’ai peut-être pas vécu ça, mais j’avais pas pensé à justement utiliser cette forme de stratégie pour me protéger. Donc je pense que c’est un double privilège d’avoir justement un espace pour se connaître et partager, mais aussi de se rendre vulnérable auprès des autres sachant que c’est des informations qu’on n’oserait pas dire à d’autres personnes. Donc pour moi il y a comme une dose de vigilance à avoir quand on arrive dans ces espaces-là, et je pense qu’on a créé, je me sens full à l’aise avec vous de nommer certaines choses, même si c’est dur de comme, casser cette carapace qui a longtemps été bien protégée puis bien isolée. Donc je pense que ça l’a été un énorme apprentissage sur, peu importe la posture qu’on a, je pense que c’est important de se le rappeler on arrive avec quoi, et qu’est-ce qu’on met autour de la table pour pas reproduire un environnement oppressant. Ça reste difficile, je veux dire il n’y a pas de milieu parfait, mais comme je pense qu’on s’est mis des balises pour s’assurer qu’on puisse se sentir safe et se sentir vulnérables comme on veut.
AM: Puis je trouve aussi que la vulnérabilité des personnes autour de la table lors de la journée du projet PARR en fait, moi personnellement ça m’a donné des stratégies pour vraiment me dire, ok ben de par cette expérience, de par le partage que l’autre personne a fait, je me dois d’être plus vigilante pour pas que ce genre d’expérience m’arrive, mais aussi comme système de protection si je vois que ça arrive à autrui, ou je sais pas. D’être plus allumée, plus alerte en fait à ces réalités-là, que moi je pourrais ou ne pourrait pas vivre parce que ben, justement on vient toutes de bagages et d’expériences différentes, donc ouais.
FHK: Vous avez été sensibilisées à des expériences que vous connaissez pas forcément, est-ce que vous avez des exemples, ou est-ce que vous serez à l’aise de partager des exemples auxquels justement vous avez eu des fois des reality check.
SLU: Ben tsé dans mon cas, tsé là j’arrivais plus avec ma posture du milieu communautaire, donc j’ai moins mis de l’avant l’aspect académique même si je navigue là-dedans. Puis je pense que ça m’a permis de peut-être déconstruire certaines idées que j’avais par rapport au milieu académique. Tsé le monde de l’université, de l’université, c’est pour moi, c’est une grosse machine, et je pense qu’il y a des expériences que je ne pourrais pas vivre parce que je ne suis pas totalement ancrée dans le milieu académique, qui me permette aussi de voir que c’est très similaire dans le milieu communautaire, donc c’est toutes des choses comme ça. J’embarquerai pas dans des exemples très concrets, mais je pense que le fait de voir ce qui se passe dans le milieu communautaire et milieu universitaire, pour moi il y a des choses qui vont beaucoup se ressembler, puis ça va être encore plus flagrant dans l’université parce que c’est une plus grosse machine que le milieu communautaire. Le milieu communautaire reste quand même un milieu qui...Qui est un peu contrôlé par les gouvernements dû à du financement public, donc il y a moins de souplesse à mettre en action leur mission, leurs objectifs, parce qu’il y a des critères qui ont été mis en place par du financement qui est par projet et non par mission. Mais je pense que c’est ça pour moi un des exemples que je peux montrer, c’est le milieu communautaire et le milieu universitaire, deux milieux différents, mais qui pour moi m’ont permis de mieux comprendre, surtout au milieu universitaire, parce que comme j’ai nommé, je suis pas très ancrée comme...Par exemple dans le milieu doctoral, donc je pense que ça serait ça mon exemple.
42:21
SD: Oui pour rebondir aussi sur ça, de mon côté je pense que...J’avais peut-être, à force d’évoluer dans le milieu académique, j’avais quand même un peu compris la manière, ou croit comprendre la manière dont l’institution et ses pratiques, vont un peu comme modeler la manière dont certains individus vont nous aborder ou interagir avec nous, donc on dirait que c’était comme plus facile pour moi d’envisager de vivre des violences dans le milieu académique plutôt que communautaire, parce que l’institution nous pousse un peu à faire ce type de...À avoir ce type d’interactions entre nous, tandis que mes expériences dans le milieu communautaire, vu que souvent il y a comme le couvert en fait du progrès social, puis de la bienveillance encore une fois, puis de la solidarité, bien c’était très difficile pour moi de comprendre en fait comment certains individus pouvaient avoir certains comportements qui étaient plus déplacés à mon égard, parce que je me disais : je ne comprends pas, on est dans le milieu communautaire, tsé quand...Après avoir été dans le milieu académique pendant aussi longtemps, je voyais presque le milieu communautaire comme un havre de paix. Donc euh...Je pense que les échanges qu’on a eu aussi pendant le projet PARR m’ont peut-être aussi un peu permis de me...Ouais un petit peu,de me recalibrer, de me dire ok, oui il y a des individus qui sont déplaisants dans la vie, il va toujours y en avoir, mais le communautaire aussi c’est...Il y a aussi ces propres influences qui jouent sur la manière après ça dont les gens interagissent avec nous. Je comprends un peu mieux parfois pourquoi ce type de dynamique-là peut continuer à arriver puis...Ouais. Ça m’a comme on dirait un petit peu permis d’un peu moins démoniser quasiment tsé le milieu communautaire parce que je me disais : tsé, c’est pas censé arrivé. On ne dit pas que ça arrive. Fait que bref je pense que ça été un des reality check que j’ai eu tsé, de faire comme tsé, tout le monde a...Tout le monde est aux prises de quelque chose. Comme tu disais Samantha à l’instant, tsé le milieu communautaire il y a vraiment des gros enjeux de financement qui peuvent vraiment tsé apporter beaucoup de pression à des personnes, donc je pense que c’est peut-être aussi des trucs moi qui étaient complètement hors de mon radar parce que j’ai pas été assez longtemps dans le milieu. J’ai mis un pied dedans et j’ai fait non non non ce n’est pas pour moi, puis tsé je suis repartie. Donc...définitivement de davantage, on va dire nuancer, la manière dont je perçois le milieu communautaire puis peut-être aussi être plus sévère envers le milieu académique, parce que oui bon c’est une institution qui guide ça, mais ce n’est pas une excuse puis ça devrait pas en être une pour continuer de tolérer certains comportements.
44:47
AM: Absolument. Puis, moi aussi en étant davantage dans le milieu académique, j’ai pris pour acquis que certains obstacles qu’on vit sont normaux quasiment, et j’ai vraiment banalisé le fait de vivre de multiples oppressions parce que je me disais, bien c’est comme ça que ça fonctionne, et un peu, je suis trop petite pour me battre contre cette énorme institution. Donc en partant un peu avec cette idée de base, je me disais, le milieu communautaire un peu, c’est le rêve tsé...Ça va vraiment être mieux, plus adéquat, mais en fait c’est que le milieu communautaire est aux prises avec les mêmes démons que le milieu institutionnel académique, puis moi ce qui m’a, ce qui a été en fait le plus gros reality check c’est aussi de me dire, je me disais, je veux travailler dans un milieu communautaire qui me ressemble, donc avec des personnes racisées et à travers les échanges, à travers certaines discussions, je me suis aussi rendue compte...C’est pas parce que les gens me ressemblent que ces personnes vont me protéger, c’est pas parce que les milieux communautaires ont des valeurs qui sont similaires ou une mission qui concorde, qui sont complémentes avec qui je suis comme personne que j’ai ma place, ou que je vais me sentir que je vais pouvoir me développer en fait dans ces milieux-là. Donc on dirait que je suis ressortie des journées du projet PARR en me disant vraiment : woah. J’avais une idée, j’avais des préconceptions, puis ça comme un peu tout défait dans ma carte mentale de ce que j’imaginais que ça pourrait être.
SLU: Tsé je pense que, que ce soit dans le milieu communautaire ou dans le milieu académique, des personnes, mêmes si elles nous ressemblent, ça veut pas dire que c’est des personnes qui vont penser comme nous. Je veux dire, il y a beaucoup de gens qui vont accepter le fait que c’est correct de vouloir fitter dans ce milieu-là parce que c’est la seule façon de comme, répondre aux normes, donc ça aussi ça été un choc, parce que même après la séance, l’atelier, j’ai remarqué que même des personnes, des BIPOC, m’ont pas trahi, mais qui ont trahi un peu certaines choses par rapport aux luttes qu’on mène, antiracistes, je me dis woah ok. C’est pas juste dans le milieu communautaire, c’est partout.
FHK: Merci beaucoup. Justement, je voulais demander, après avoir été sensibilisé à ces réalités-là, notamment de communautés un peu plus aux marges qui vivent des expériences différentes que les vôtres, est-ce que vous avez intégré un peu plus de pratiques de solidarité pour soutenir, ou est-ce que vous êtes reparties avec cette idée-là en tête qu’il faut faire attention, est-ce que vous pouvez donner des exemples.
AM: Moi je pense que le truc avec lequel je suis repartie et qui m’habite depuis ma participation à cette journée c’est vraiment...Le fait de produire des choses par et pour nous, mais de s’assurer vraiment que ça reste entre et pour nous. Que ça nous serve collectivement et que ça ne peut pas être utilisé de façon à brimer notre idée de base. Je pense que c’est une des choses avec lesquelles je repars.
SD: Oui donc comme Samantha l’a dit un peu plus tôt, aucun milieu est parfait. Donc de mon côté, c’est sûr qu’il y a certaines pratiques, certains acquis que j’ai eu pendant que j’étais dans les journées PARR que j’intègre un peu plus dans mon quotidien, donc je pense que maintenant je me sens un peu moins mal par exemple de solliciter certaines de mes amies plus proche, qui sont racisées, qui sont dans les mêmes milieux que moi, puis d’être plus vulnérable en fait face au stress que je peux vivre de par mes nombreuses intersections dans le milieu académique surtout. C’est pas nécessairement quelque chose que j’osais faire avant parce que c’est jamais évident d’être vulnérable, premièrement. Puis c’est toujours un peu étrange tsé d’avoir ce type de ressentiment face au milieu dans lequel t’évolues et dans lequel tu donnes autant de toi depuis autant d’années. C’est encore difficile pour moi à naviguer, mais j’ai aussi un peu arrêté de croire au fait que tous les milieux justement sont parfaits. Il y a des enjeux... de classe, il y a des enjeux identitaires, il y a plein de trucs en fait qui vont continuer à diviser les luttes qu’on le veuille ou pas...Puis ceci étant dit, je pense que c’est juste encore une fois tsé de rester vigilant vigilantes, puis de aussi comprendre que bien parfois certains individus sont pris dans cette machine. Ça fait pas nécessairement d’eux et d’elles des mauvaises personnes, mais que ça fait en sorte que certains comportements peuvent se reproduire. Puis Aurélie aussi l’a vraiment bien dit, ce n’est pas parce que tu me ressembles que nécessairement tu vas comprendre ce que je vis, donc ça l’a un petit plus on va dire élargi, dans un sens, mon cadre de référence quand je pense à la solidarité, ouais.
49:57
SLU: Une pratique hyper simple que j’ai appliqué même en fin de semaine c’est de me retrouver entre mes amies, justement, des femmes principalement racisées, à juste comme discuter ouvertement et faire de l’art en même temps. Je pense que des fois on néglige trop cet aspect-là, des fois c’est des choses tellement simples qu’on oublie de faire. Faire juste comme, allô, comment ça va, rappelle-toi que t’es la meilleure, rappelle-toi que genre t’es brillante, que ouais, tsé juste de faire des petits checks-ups comme ça pour, c’est ça, parce que des fois on oublie qu’il faut se faire du bien, il faut se rappeler que ce qu’on dit est valide, donc pour moi c’est une stratégie aussi simple que ça cette fin de semaine ça été de créer ces petits espaces de care là avec ses amies.
AM: Ce que tu dis ça me fait penser à une stratégie que j’ai appliqué sans même m’en rendre compte, tu l’as nommé et je me suis rendue compte que c’était en fait une stratégie. Je me suis retrouvée dans un souper à échanger avec une autre personne racisée de nos expériences dans le milieu académique, donc de vivre multiples formes d’expériences qui sont plus ou moins agréables. Puis il y avait des personnes non-racisées autour de la table, qui étaient en silence, qui nous écoutaient, et qui à la fin de la discussion, se sont dit, oh mon dieu, tu nous en avais parlé, mais je pense qu’on ne comprenait pas à quel point c’était gros, c’était prenant, que ça pouvait t’affecter. Puis je me suis dit, c’est fou parce que je leur en ai parlé, mais le fait de vraiment avoir été vulnérable avec une autre personne racisée devant eux, ça leur a permis vraiment de comprendre l’étendue et la complexité en fait de ce que j’essayais de nommer et que peut-être j’avais pas les bons mots au moment, mais de pouvoir échanger avec une autre personne. Et je pense que ça doit être une stratégie de pouvoir aussi avoir ces discussions, donc cette même vulnérabilité que on est tellement à l’aise avec d’autres personnes racisées, de l’infliger à d’autres personnes non-racisées, que peu importe si ça créé un malaise ou pas, mais qu’après ces personnes puissent réfléchir et se dire : ah, ok, oui je comprends, puis là je peux peut-être être une meilleure alliée par rapport à ça.
FHK: Merci, merci beaucoup d’avoir partagé vos expériences, notamment la participation aux ateliers cohortes. C’était un plaisir de discuter avec vous. Est-ce que vous auriez quelque chose à ajouter de plus avant qu’on finisse l’épisode.
SD: Ouais ben malgré tout ça, je pense que c’est quand même assez, euh, extraordinaire qu’on ait eu l’opportunité en fait de participer aux cohortes PARR. Je pense que le projet PARR c’est vraiment...Ouais j’ai comme de la difficulté à mettre des mots sur ce que ça représente, mais ça l’a vraiment joué un rôle très très important dans ma vie dans la dernière année. Ça m’a vraiment donné des outils pratiques, ça m’a donné le sentiment en fait que mes expériences étaient valides, ça m’a aidé à terminer mon mémoire, donc...Je pense vraiment que l’existence d’un tel projet est vraiment nécessaire et fondamental pour des personnes comme nous. Puis je suis vraiment contente qu’on ait eu cet espace-là aussi pour en parler, donc vraiment merci aux organisatrices, aux instigatrices, ouais.
AM: J’y pense en fait, moi ça m’a permis de me recharger, tsé c’est arrivé au mois de septembre aussi, donc rentrer, demandes de bourses, tout ce qui vient avec le fait d’être dans le milieu académique et de devoir produire de la recherche, et avoir participé à la journée du projet PARR, ça m’a comme centré mais ça m’a aussi permis de me dire, oh mon dieu, ce que je vis c’est non seulement valide et partagé, mais je regarde mes collègues autour de la table. Elles sont rendues encore plus loin que moi, et elles sont passées au travers, donc c’est correct, il y a des moyens, il y a des stratégies, je peux y arriver.
SLU: Ouais, ben pour moi aussi ça été une belle expérience de comprendre que peu importe dans lequel de ces milieux-là dans lequel on navigue, il y a beaucoup de choses qu’on peut mettre en commun puis je m’étais dit, et je pense, je m’en souviens c’était avec Marie Da Sylva, un moment donné elle disait, tsé juste nous autour dans cette salle-là, dans la salle ou on était, si on devait créer quelque chose juste entre nous ça serait tellement puissant, de comme créer notre propre chaire de recherche ou notre propre organisation, peu importe, juste à l’intérieur même. J’étais tellement intimidée par tout le savoir, puis toutes les expériences comment ça nous a cassé, ça nous a mis des bâtons dans les roues, mais malgré tout ça, je pense que on a toutes notre place dans la société, on a toute notre place, et je pense que il faut avoir vraiment comme un espace ou une organisation qui va mettre en valeur ces savoirs-là, parce que tous ensemble c’était tellement fort. Pis je suis tellement reconnaissante pour l’équipe, pour projet PARR, parce que même à l’intérieur de l’équipe c’était du par et pour. Il y a pas autre chose que, il y a pas des personnes qui entrent dans cet espace-là, elles l’ont créé, et je pense qu’il faut continuer ce genre d’initiatives-là parce que même dans nos milieux, on a jamais cet espace-là pour se dire : ah finalement, est-ce que c’était correct ce que j’ai fait, est-ce que il y aurait fallu que je fasse ça, donc tsé je pense que ça nous rappelle aussi de prendre une pause de ce qu’on fait, puis se demander si on s’est pas fait voler nos savoirs, on s’est pas, peu importe, donc je pense que ça l’a été une belle expérience, puis j’aimerais tellement ça que ça puisse continuer et qu’on puisse avoir encore des espaces comme ceux-là.
FHK: Bien merci surtout à vous, merci d’avoir participé aux ateliers, merci d’avoir partagé vos expériences aussi pour cet épisode, merci d’avoir accepté l’invitation, vous êtes incroyables, vous êtes merveilleuses *rires*. Merci aussi aux auditeurs aux auditrices d’avoir suivi l’épisode. On remercie aussi toutes les personnes collaboratrices du projet, sans qui le podcast aurait pas pu voir le jour. À chaque étape de nos activités vous avez fait un travail remarquable pour nous soutenir, et apporter des expériences et expertises à un nombre significatif de femmes et de personnes non-binaires noires, autochtones et racisées. On a déjà trois personnes en face de nous aujourd’hui. Et quant à nous, on se retrouve pour le prochain épisode du podcast « En fleurs, plus en feu », à très bientôt.
*musique*
FIN